lundi 16 juillet 2012

« La petite fille, la poupée et les ombres » (Pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? La suite )







Anonyme, années 1940,
trois épreuves gelatino-argentiques env. 9,5 x 6,5 cm
(coll. Yannick Vigouroux)




La séquence montre une fillette posant à chaque fois devant la même maison, tenant dans ses bras son précieux nounours, puis sa poupée. Les clichés ont été pris dans les années 1940. A première vue, ce sont de banales images de l’enfance et de l’insouciance, saisies dans la belle lumière estivale d’une fin de journée.

Sans doute, mais il y a trop d’ombres dans ces photos de famille pour qu’il ne s’agisse que de cela… A y regarder de plus près, en m’aidant d’une loupe (car les tirages, probablement des contacts, sont de petites tailles) je découvre des jeux visuels involontaires de croisements, de contrepoints entre les formes étirées des spectres et la structure de la rambarde ou celle de la scie rectangulaire suspendue au mur : ces images si simples au premier abord, si pleines d’insouciance, sont plus complexes qu’il n’y parait.

La forte lumière et les ombres omniprésentes dessinent une complexe géométrie de l’intime, parfois rassurante, parfois inquiétante, à moins qu’elle ne soit les deux à la fois. La photographie nous joue souvent ce genre de tour : je ressens comme souvent un léger serrement au cœur en songeant au présent paradoxal et fragile de ces photos souvenir, à ces instants perdus mais doublement sauvés de l’oubli, d’abord par l’album, puis ma petite entreprise de sauvegarde et de fictionnalisation de ces photos anonymes, trouvées dans une brocante, qui ont été abandonnées par la famille. Devenues sans qualité, mais désormais investies par ma subjectivité, réactivées par la lecture très personnelle que j’en fais, elles acquièrent une seconde vie…

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