samedi 24 août 2013

Carnets pyrénéens # 4 : « Vous avez... 1 mess@ge ! », 24 août sous la pluie, vers la chapelle de l'Ermitage

« Your own Personal Jesus
Feeling's unknown and you're all alone
Flesh and bone by the telephone
Lift up the receiver
I'll make you believer
I will deliver
You know I'm a forgiver
Reach out and touch faith
Your own Personal Jesus
Reach out and touch faith...
 »


Depeche Mode, « Your own Personnal Jesus », 1989




Content d'avoir acheté ce matin au village des chaussures de marches soldées 25 au lieu des 95 euros qu'elles coûtaient initialement, je m'élance d'un pas gaillard et hardent sur la départementale. Un pas qui s'il est dynamique et résolu, est souvent interrompu comme d'habitude par ma manie de photographier tout et n'importe quoi (paysage de montagne magnifique coiffé d'un ciel nuageux aux formes pommelées sombres et mouvantes mais aussi boîte de Cacolac écrasé, couvercle de boîte de conserve rouillé), ce qui brise indéniablement le rythme de la marche et une possible harmonie contemplative et fusionnelle avec le paysage. Bref une expérience physique et spirituel qu'il est préférable que j'accomplisse seul, tant le « chemin vers le bonheur » est chez moi une expérience physique et « spirituelle » hachée, irrégulière, sinueuse sinon tortueuse, qui comme toute balade avec moi peut lasser mes compagnons de marche (sauf, bien sûr, s'ils pratiquent aussi la photo)...

Quelques grosses gouttes de pluie sournoises, sporadiques mais de plus en plus insistantes, confirment d'emblée ce que la radio avait annoncé : une météo peu clémente et je ne regrette pas d'avoir emporter mon vieux K-Way en boule dans mon sac à dos (à l'intérieur il y aussi L'usage du monde (1963) de Nicolas Bouvier trouvé il y a trois semaines dans la rue à Paris, magnifiquement illustré des dessins de Thierry Vernet, connaissaient-ils et aimaient-ils dans les années 1950 - d'ailleurs avait-il été écrit et publié - La vie mode d'emploi de George Pérec ?), j'allais vite m'en vêtir. J'accélère un peu le pas. Un pas devant l'autre, lent et assuré, un pas devant l'autre, etc. en faisant attention aux cailloux et racines du bas-côté qui pourrait mettre mes chevilles en souffrance.

J'ai mémorisé cette citation de Bouvier imprimée sur la quatrième de couverture de mon édition de poche : « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. » Pareil pour la vie ?...

Évidemment je flâne, m'égare (jadis quel stress, aujourd'hui quel bonheur), vérifie sur la carte et découvre que je n'ai pas pris le chemin le plus court malgré le tracé que j'avais préalablement surligné au feutre Stabilo dans la chambre. Carnets pyrénéens Texte 4 Qu'importe, après une demie-heure de marche, l'objectif n'est plus très loin. L'orage menace, chemin à l'asphalte fissuré monte sinueux vers l'ermitage où je trouverai la chapelle fermée, à l'exception d'un minuscule bâtiment ; à l'intérieur c'est si sombre et humide, l'eau du torrent coule sous mes pieds, une lucarne sur la droite et une modeste statue de la Sainte Vierge, à ses pieds un angelot et un bouquet de myosotis et, empilés des lettres demandant de l'aide, du réconfort, et de la persévérance. Je ne veux pas être indiscret mais j'aperçois : » Aidez-moi à trouver un travail ». J'y dépose ma carte de visite avec écrit au stylo bille mon message personnel : on écrit pas de courriel à Dieu et on ne lui envoie pas de textos non plus, impossible (j'ai cependant trouvé dans l’aumônerie d'un hôpital parisien un opuscule qui est une compilation de quelques textes du Nouveau testament, intitulé « Le portable. Allô... j'ai une bonne nouvelle... » La couverture montre un téléphone mobile bien sûr et le livre s'ouvre sur ces lignes : « Vous avez... 1 mess@ge ! […] Dans la première partie de ce Portable, des textes de la Parole de Dieu te présentent la vie et le message de Jésus. Ils sont suivis d'autres extraits de la Bible avec des indications pour t'aider à en vivre. » Bon, au moins c'est gratuit et il n'y a pas de risque de spams, de bugs, quoi que...).

Avant de partir, je prends une photo du bouquet de myosotis et de l'angelot avec mon appareil Fuji Instax, coup de flash violent, l'image instantanée totalement grillée qui apparaît au bout de quelques minutes est l'une des plus mauvaises et ratées que j'ai jamais réalisées ces dernières années mais aussi sans doute l'une des plus précieuses et personnelles. Je la conserve, et, bien sûr, plus pour la deuxième et troisième raison que la première, je ne la montrerai pas...

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